Les nouveaux programmes de Mathématiques et de Français du « Choc des savoirs » sont parus et il dépassent nos pires craintes !
Ce qui saute tout d’abord aux yeux, c’est que le CSP ne semble pas avoir bien lu la consigne de l’ancien ministre de l’Éducation nationale, qui lui demandait de présenter des programmes « de manière concise ». On assiste en effet à une véritable inflation du volume des programmes, qui ne se contentent plus de fixer les objectifs d’apprentissage généraux mais détaillent les situations-types à présenter aux élèves, prescrivent des attendus chronométrés (nombre de mots à lire, nombre de calculs à réussir, etc.) et multiplient les exemples normatifs : le ministère a constaté que les petits guides colorés envoyés dans les écoles n’étaient pas assez utilisés et il décide donc de les copier/coller dans les programmes !
Les projets de nouveaux programmes de français sont ainsi trois fois plus longs en cycle 1 et deux fois plus longs en cycle 2 tandis que les projets de nouveaux programmes de mathématiques sont sept fois plus longs en cycle 2 et dix fois plus longs en cycle 1. Cela risque de laisser peu de place aux autres domaines d’enseignement…
Cette incroyable prolixité, qui rapproche plutôt ces nouveaux programmes d’un manuel scolaire ou d’un guide d’application (au total presque 100 pages de programmes rien qu’en mathématiques de la petite section au CE2 !), trahit à la fois une défiance vis-à-vis du travail des professeur·es des écoles (dont la liberté pédagogique se trouve remise en cause par des dizaines de pages prescriptives) et une volonté de cadrer très fermement les rythmes d’apprentissage.
Jusqu’alors les programmes fixaient les objectifs à atteindre ; désormais ils risquent de fixer aussi les méthodes à employer et les activités à pratiquer.
Conjuguée à la labellisation des manuels scolaires, cette inflation des programmes s’inscrit dans la même logique que l’ensemble des mesures du « choc des savoirs » : formater les enseignements, fixer des normes d’apprentissage et écarter, de fait, les élèves qui ne peuvent pas s’y conformer. Avec un tel volume d’injonctions pédagogiques, comment aménager des possibilités d’adaptation au rythme des élèves ? comment prendre en compte les élèves en difficulté ? comment aménager les activités scolaires pour les élèves à besoins particuliers ?
Dans les contenus, les programmes de cycle 1 marquent une étape supplémentaire dans l’élémentarisation de l’école maternelle, qui se retrouve jusque dans le vocabulaire employé : le domaine « mobiliser le langage dans toutes ses dimensions » devient « français » et « acquérir les premiers outils mathématiques » devient « mathématiques ». Il ne s’agit pas là d’un simple effet de mode terminologique (comme le remplacement de « lexique » par « vocabulaire ») mais bien d’une évolution du regard porté sur les élèves de l’école maternelle, qui est peu à peu transformée en une simple école préparatoire au CP.
En cycle 2, outre la surenchère normative, l’évolution la plus notable concerne les programmes de mathématiques, qui sont censés faire la part belle à la « méthode de Singapour ». Cela se traduit par l’introduction précoce de certaines notions (en particulier les fractions et l’écriture décimale des nombres) et par une description détaillée des méthodes à employer en numération et en résolution de problèmes.
SUD éducation Charente exprime sa plus vive inquiétude face à ces programmes qui brident la liberté pédagogique des enseignant·es et ne prennent absolument pas en compte les rythmes d’apprentissage des élèves, au risque de nourrir le décrochage scolaire.