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Réforme Blanquer de l’éducation prioritaire : toujours moins pour ceux qui ont besoin de plus

Depuis la rentrée 2020, Nathalie Elimas, secrétaire d’état chargée de l’éducation prioritaire, réalise une espèce de Tour de France pour faire la promotion de son projet de réforme et signer quelques contrats. Oui oui, des contrats, comme en entreprise. Autant vous dire que le concept ne nous plaît pas beaucoup. Pour Sud Éducation, comme pour de nombreux collègues, de l’éducation prioritaire ou pas, pour nous tous(tes) qui dénonçons depuis des années, la marchandisation de l’Éducation, ce projet va à l’encontre du principe fondateur d’un service public d’éducation qui doit lutter contre les inégalités.

En quoi consiste la nouvelle réforme de l’Éducation Prioritaire ?

D’abord, la dernière réforme date de 2014. La carte de l’éducation prioritaire devait être revue en 2019 mais cela n’a pas été fait. Ce nouveau projet de réforme démarre en test à Aix-Marseille, Nantes et Lille, les 3 académies pilotes choisies par le ministère pour la rentrée 2021.

Le projet de réforme s’appuie sur le rapport Azéma-Mathiot commandé en octobre 2018 par Jean-Michel Blanquer, qui devait alors sauver les apparences suite à l’audit de la Cour des comptes. Celle-ci dénonçait le manque d’efficacité de la politique d’Éducation Prioritaire, dû notamment au fait que seulement 30% des élèves issus de milieux défavorisés en bénéficient (70% de ces élèves sont scolarisés hors des Réseaux d’Éducation Prioritaire (REP/REP+), dans des écoles sans soutien financier).

Une politique d’éducation confiée aux rectorats

Il semble que pour ce gouvernement, le rôle de l’Etat de compenser les inégalités sociales pour assurer une éducation équitable sur tout le territoire, devienne caduc. Dans le dispositif actuel, le label “éducation prioritaire” est donné selon des critères nationaux, mais à un nombre insuffisant d’établissements puisque beaucoup d’autres remplissent les conditions mais ne sont pas labellisés. Donc, ce système de labellisation déjà discutable, devient avec ce projet de réforme, encore plus flou et inéquitable, en laissant la main aux rectorats.

«En fonction de leur sensibilité sociale ou politique, les recteurs risquent d’accorder plus ou moins de crédits aux REP» (Pierre Merle, sociologue spécialiste des politiques éducatives)

– La fin des réseaux : le ministère annonce l’apparition des Contrats Locaux d’Accompagnement (C.L.A.) entre les établissements, les écoles et les rectorats, dès la rentrée 2021 (des CDD de 3 ans sont déjà signés dans les académies de Lille et de Nantes). Les REP/REP+ seraient conservés jusqu’en 2022 seulement, selon la préconisation du rapport Azéma-Mathiot. La disparition des REP rendra impossible les projets de réseau, qui font la force et la motivation des équipes et donne aux élèves du sens à leurs apprentissages.

-Un émiettement des moyens :  transfert d’un budget constant vers d’autres zones et les établissements catholiques :

Confiant en une certaine adhésion populaire (des moyens supplémentaires sont réclamés à juste titre par les syndicats depuis des lustres pour les écoles délaissées dans des quartiers pauvres des villes et des campagnes) et sous la pression des critiques de la Cour de Comptes, Blanquer souhaite étirer la couverture “éducation prioritaire” sur davantage de territoires. Mais en s’étirant elle s’amincit et va craquer. Car cette belle annonce de faire entrer plus de zones dans le dispositif, à moyens constants, devient un bla-bla mensonger honteux. En effet, si l’expérimentation des C.L.A. est chiffrée à 3 milliards, jamais le ministre n’indique pour accompagner cette réforme, d’augmentation du budget de la politique nationale d’éducation prioritaire. De plus, Blanquer se serait engagé à faire entrer les établissements catholiques dans l’éducation prioritaire, comme s’en est félicité le secrétaire général de l’enseignement catholique P. Delorme. Hors de question !

La « contractualisation » c’est la garantie d’une surcharge de travail, d’une nouvelle atteinte à la liberté pédagogique car les équipes et les directions auront l’obligation de présenter (et vendre) des projets qui rentrent dans les “bonnes cases” définies par le Ministère. Alors même que de multiples tâches submergent déjà les collègues, cette réforme augmentera encore le nombre de réunions et la charge de travail administratif.

Ces projets et les établissements seront mis en concurrence et les moyens seront répartis selon… les opaques critères de l’administration.

– Une rémunération au cas par cas : la prime Rep et les bonifications pour la
mobilité des personnels pourraient disparaître et ne donner lieu qu’à des primes d’attractivité. La fin de la labellisation laisse craindre un accroissement des inégalités de salaires entre les personnels selon le lieu de travail.

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