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Un petit pas pour Blanquer, un grand pas vers plus de précarité pour les futur-es enseignant-e-s :
La loi pour l’Ecole de la confiance promulguée en juillet 2019 l’avait prévue, la réforme de la formation des enseignant-es voulue par Blanquer est entrée en vigueur en septembre 2020. Elle concerne les étudiant-es entrant en première année de master (M1).
Lorsque ces jeunes sont entré-es en première année de licence en 2017, ils-elles pouvaient espérer passer un concours de recrutement à l’Éducation Nationale en fin de M1 et percevoir un premier salaire en tant que fonctionnaire stagiaire l’année suivante. Au Printemps 2018, en fin de deuxième année de licence (L2) pour ces jeunes, Blanquer changeait les règles et annonçait une épreuve d’admissibilité en fin de L3, l’épreuve d’admission ayant lieu en M1 ou M2…
Finalement, en mars 2019, l’admission au concours basculait en fin de M2 avec de nouvelles définitions des épreuves et une refonte du master Métiers de l’Enseignement, de l’Éducation et de la Formation (MEEF) !
En 2008, Xavier Darcos alors ministre de l’Education Nationale et Valérie Pécresse ministre de l’enseignement supérieur avait déjà tenté de reculer l’année de passation du concours mais face à la mobilisation, il et elle avaient été contraint-es de reculer.
Cette fois, c’est en catimini, en pleine crise du COVID que Blanquer avance ses pions.
De quoi s’agit-il ?
D’abord une voie dite « de pré-professionnalisation » proposée aux étudiant-e dès la deuxième année de licence. Un contrat précaire d’assistant d’éducation (AED) est signé pour 3 ans avec l’administration. L’étudiant-e doit être présent-e 8 heures par semaine dans un établissement désigné par le rectorat, pour y assurer des missions évolutives : observation et aide au devoir en première année, remplacement de professeur-es absent-es en 3ème année.
Ce contrat a vocation à s’adresser aux étudiant-es des milieux modestes en permettant le cumul avec les bourses. Mais il ne se décline pas partout de la même manière. En 2020 le dispositif est déployé pour le 1er degré dans les écoles de certaines académies, pour le 2nd degré dans les collèges, dans certaines disciplines.
Si, sur le papier, la rémunération peut sembler attractive à un jeune de 20 ans, elle correspond pour le ministère à l’aubaine d’une main d’œuvre sous payée.
Pour 700 € net par mois en L2, 963 € en L3 et 980 € en M1, L’étudiant-e devra se déplacer vers son établissement d’accueil et se former aux tâches qui lui seront demandées. Par exemple en L3, préparer une « Interventions ponctuelles sur des séquences pédagogiques en classe sous la responsabilité du professeur » ou même en M1 préparer la prise en charge en responsabilité « de séquences pédagogiques complètes (notamment, remplacement d’enseignants de l’établissement dans la même discipline, compatible avec la continuité pédagogique des enseignements) ».
Le temps consacré à de telles charges se fera forcément au détriment de l’exigence de l’année universitaire et placera l’étudiant-e dans une situation difficile à gérer.
Un parcours préparatoire pour les futur-es professeur-es des écoles
Dans la précipitation et sans concertation, un dispositif sera mis en place dès la rentrée 2021 pour pré-professionnaliser les étudiant-es futur-es professeur-es des écoles : le PPPE. Il s’agira d’une classe préparatoire d’une durée de 3 ans dans laquelle les étudiant-es alterneront cours en lycée et à l’université. Les étudiant-es suivront surtout des cours de disciplines scolaires avec quelques stages. Le PPPE s’adressera à 1200 étudiants par an soit 15% du total de lauréat-es par an au concours du CRPE.
Le ministère rappelle que ce dispositif est lancé pour permettre une démocratisation de l’accès aux métiers de l’enseignement mais ne nous a donné aucun critère concernant les modes de recrutement qui auront lieu au travers de Parcours Sup (hormis une attention en ce qui concerne les étudiant-es boursier-ères).
Il espère par ailleurs attirer les étudiant-es de cette voie vers les contrats d’AED dès la L2.
A ce jour, on ne connaît ni les contenus de la formation ni comment elle sera organisé dans les lycées…
nouveau master, nouveau concours
Un parcours en alternance en M2
Le master MEEF est donc remanié : plus de concours de recrutement à la fin de la première année, il est basculé en fin de M2. L’année de M1 ne prépare plus le concours mais on ne sait pas encore ce qu’on y fera ni qui y interviendra (INSPE ? Université ? …)
Un parcours en alternance sera proposé à l’entrée en M2 prioritairement aux étudiant-es ayant signé un contrat de pré-professionnalisation (AED) : avec un statut de contractuel-le, il faudra assurer un service d’un tiers temps…. Payé 600 euros net par mois (pour rappel, ce jeune était payé 980 euros net par mois l’année précédente) !
Mais attention, cela ne couvrira pas les besoins ! D’une part, toutes les disciplines n’y auront pas accès et même si c’est le cas, il n’y aura pas assez de propositions de contrats.
A ce jour, 12000 berceaux d’alternance sont annoncés pour la rentrée 2021 alors que l’on comptabilise 25000 places aux différents concours de l’enseignement.
Les étudiant-es qui n’auront pas accès aux contrats d’alternance effectueront des périodes de Stage d’Observation et de Pratique Accompagnée (stages SOPA).
Enfin, après 5 années d’études, l’étudiant-e aura la possibilité de passer un concours de recrutement à l’Éducation Nationale. Ce concours sera aussi ouvert aux masters autre que MEEF.
Ainsi donc, à partir de la session 2022 des concours, les candidat-es aux concours externes devront être inscrit-e-s en M2 MEEF ou avoir un master. A la nomination comme stagiaire ils-elles devront avoir un master (avant les M1 lauréat-es du concours terminait leur M2 pendant leur année de stage).
Que se passera-t-il si un-e étudiant-e M2 en 2021-2022 (c’est à dire la génération actuelle de M1 MEEF) ne valide pas cette UE « l’expérience en milieu professionnel » alors qu’il-elle a eu le concours ? Il-elle n’aura pas son M2 et perdra en même temps le bénéfice du concours ! Mais il-elle sera à coup sûr employé-e comme contractuel-le l’année suivante !
Nouvelles définitions des épreuves :
L’arrêté a été publié le 25 janvier dernier. Les épreuves écrites d’admissibilité du CAPES externe seront toujours au nombre de deux (ou trois pour certaines sections de langues). La réforme remplace la seconde épreuve orale, qui était à la fois disciplinaire, épistémologique et pédagogique, par un entretien d’embauche devant un jury qui comprend « des personnels administratifs relevant du ministre chargé de l’éducation nationale, choisis en raison de leur expérience en matière de gestion des ressources humaines » (sic). L’épreuve durera 35 minutes pendant lesquelles le-la candidat-e devra faire preuve de sa motivation et de son adhésion aux principes de la République, bref de sa loyauté future envers l’institution.
Après 5 années d’études dont 4 en alternance au sein d’un établissement scolaire, pour être utiisé-e comme une main d’œuvre sous payée, il est grand temps de faire preuve de sa motivation !
S’il-elle est reçu-e, il-elle deviendra (enfin) fonctionnaire stagiaire avec un service à temps complet, peut-être avec une décharge de service (minimum 80 % de service devant élèves). Les lauréat-es non issu-es de master MEEF seraient quant à eux-elles en alternance (mi temps en classe et mi temps en formation).
Un casse tête pour les INSPE
Malgré les alertes lancées par les enseignant-es des INSPE en charge du master MEEF, le ministère s’entête sur une organisation qui fait toujours débat au sein des équipes universitaires :
- 800 heures de formation avec un cadrage flou en termes de contenus
- 33% des enseignant-es du master MEEF seront des enseignant-es exerçant par ailleurs en établissements scolaires
- Mise en place d’outils d’évaluation qui mettront en concurrence les INSPE
- Reprise en main par le ministère concernant la nomination des directeurs-trices d’INSPE au détriment de l’université
A l’heure où nous rédigeons cet article, les plaquettes de master MEEF ne sont pas toutes remontées au ministère. Et pour cause, les “sujets zéros” explicitant les futurs concours d’enseignement n’ont pas été publiés !
Par ailleurs, les difficultés se multiplient concernant les organisations du futur Master MEEF, avec 3 acteurs majeurs: INSPE, Universités, Rectorats ou DSDEN suivant le degré :
- gérer la multiplicité des parcours présents dans les INSPE à la rentrée 2021:
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- les étudiant-es alternant-es M2 (ancienne promo de M1 de l’année 2020-2021)
- les étudiant-es alternant-es M1 promo 2021-2022
- les fonctionnaires stagiaires M2 MEEF alternant-es (ils doivent valider leur master 2 MEEF) du concours 2021
- les fonctionnaires stagiaires déjà titulaires d’un M2 et donc inscrit-es en « parcours adapté »
- déterminer les berceaux des futur-es alternant-es contractuel-les
- affecter les futur-es étudiant-es alternant-es ainsi que les évaluateurs-trices
- organiser les périodes de stage et les modalités
Quels sont les objectifs affichés de cette réforme ?
En premier lieu, réduire le nombre de fonctionnaires ! Le déplacement du concours d’un an opère mathématiquement : au moins 10 000 postes seront économisés avec le recrutement des alternant-es contractuel-les.
Elle ne résoudra pas le problème de l’attractivité du métier. En repoussant le concours en fin de M2, on peut au contraire s’attendre à une nouvelle chute du nombre de candidat-es. Entre 2008 et 2011, la « mastérisation » de la formation au métier d’enseignant avait largement fait régresser le nombre de postulant-es : 40 028 candidat-es inscrit-es au CAPES externe en 2008 contre 24 283 en 2011 (pour 5 000 postes offerts).
Alors comment seront recruté-es les enseignant-es ? Par voie contractuelle bien sûr !
Dans tous les cas le but est la contractualisation, donc la précarisation massive de personnels !
La lutte est engagée.
Dans l’académie de Poitiers, l’ensemble des acteurs-trices de la formation, des étudiant-es, des organisations syndicales se sont prononcées contre l’application de cette réforme lors d’une Assemblée Générale le 11 mars dernier.
Sud Education Charente sera à leur côté pour réclamer le retrait de cette réforme et revendique :
Pour le recrutement :
- Le retour à un concours de recrutement à Bac+3 (niveau licence), suivi de 2 années de formation rémunérées et validées par l’attribution d’un Master pour tou-t-es les professeur-es.
Pour l’année de stage ( à partir de bac + 3) :
- Un allègement de service : pas plus d’un tiers du temps de service devant les classes
- Une formation renforcée sur le temps de service, assurée par des formateurs-trices pour tou-t-es les stagiaires
- Une formation de qualité avec une décharge de service pour les tuteurs et les tutrices
- Un dispositif particulier pour soutenir ceux et celles qui sont en difficulté
- Une formation aux pédagogies coopératives ou alternatives (Freinet, pédagogie nouvelle, pédagogie institutionnelle, GFEN, etc) pendant la formation initiale
- Une harmonisation des procédures de titularisation dans toutes les académies, garantissant l’équité et les droits des stagiaires avec un contrôle paritaire lors des étapes de titularisation.