Expression libre

5 ans de Blanquer : Plus jamais ça !!!

A l’aube des élections présidentielles, il est plus que temps de faire un bilan du quinquennat de Jean Michel Blanquer.

Il s’agit du ministre ayant le record de longévité à la tête de l’Éducation Nationale, résistant coûte que coûte, erreur après erreur, sans jamais démissionner ni être désavoué par Emmanuel Macron !

Empruntant à la droite la plus conservatrice sur le plan des valeurs, sa politique autoritaire se caractérise aussi par la mise au pas systématique de celles et ceux qui s’opposent à une école au service de la concurrence et de la performance économique. Les résultats sont connus : les salaires stagnent, les moyens baissent, les conditions de travail et d’apprentissage se dégradent et notre liberté pédagogique est mise en péril. Mais plus encore, la logique néolibérale à l’œuvre détruit le service public d’éducation et dénature nos métiers.

 

L’école de Blanquer n’est pas la nôtre !

 

De 2007 à 2012, JMB a été successivement, recteur de l’académie de Créteil puis directeur de la DGESCO de Luc Chatel. Mettant en œuvre la politique de Sarkozy il participe à la suppression de 80 000 postes d’enseignants.

Cagnotte pour lutter contre l’absentéisme en lycée professionnel, projet de repérage à la maternelle des élèves présentant des risques lors des apprentissages, heureusement repoussé, passerelle Science Po pour une poignée de lycéen-nes issu.e.s de Zone d’Education Prioritaire, Internat d’excellence où l’uniforme est de rigueur, micro-lycée instrumentalisant les pédagogies alternatives, autant de dispositifs qui lui auront permis des expérimentations avant de déployer sa méthode à grande échelle, dès son arrivée rue de Grenelle.

Retour sur 5 années de politiques libérales et réactionnaires :

Blanquer et l’école primaire.

Mesure phare du quinquennat, le dédoublement des CP/CE1 en REP et REP + à partir de 2017  supprime purement et simplement le dispositif « Plus de maîtres que de classes ». L’histoire a montré 5 ans plus tard que le mécanisme n’a pas porté ses fruits : la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) a publié deux notes défavorables, indiquant notamment que « les progrès sont maigres, voire inexistants ».

JMB entame également sa destruction de la liberté pédagogique : il tente d’imposer à tous les enseignants de primaire la méthode syllabique pour l’apprentissage de la lecture (souvenez vous du petit livre orange), faisant fi des pratiques précédentes ! Le ministre parle, les professeurs doivent obéir !!!

Dernier coup de massue, l’adoption de la loi Rilhac le 20 octobre dernier,  elle donne aux directeurs d’école une autorité « fonctionnelle » et une délégation de compétences de l’IEN qui en font de vrais chefs dans leur école. Pour autant la loi ne règle rien ni pour les moyens qui leur sont attribués ni pour leur régime de décharge.

Blanquer et le collège.

Le ministre rétablit les classes bilangues, donne aux collèges la possibilité de dispenser une heure de latin ou de grec en 5ème, 3 en quatrième/troisième. Il supprime également l’obligation des enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI)

Ces mesures pourraient être saluées par la plupart des lecteurs de cet article, s’il n’y avait pas le leitmotiv de JMB en filigrane : l’autonomie des établissements. Toutes ces mesures sont soumises à la libre appréciation des établissements (et bien évidemment aucun moyen horaire supplémentaire ne leur est attribué, en particulier pour les « nouveaux » enseignements de langues anciennes…)

Le dispositif devoirs faits : encore un moyen d’instrumentaliser la lutte contre l’égalité des chances.  Laissé aux profs volontaires ou en retraite, aux jeunes en service civique payés moins de 600 euros par mois, on l’impose aujourd’hui aux assistant.e.s d’éducation déjà  méprisés et précarisés.

Blanquer et le Lycée.

Loin de permettre un plus grand choix pour les élèves comme il était annoncé, la réforme du lycée général dégrade les conditions d’enseignement et accentue les inégalités. Le passage au bac à la carte met en concurrence les disciplines ainsi que les élèves dans l’accès aux spécialités. La remise en cause des groupes classe renforce par ailleurs l’individualisation des parcours éducatifs des élèves, au détriment de la coopération et de la solidarité.

Parcoursup devait offrir plus de liberté dans les choix d’orientation, mais le nombre de jeunes sans affectation reste important (1 sur 10 au 16 juillet 2021, soit plus de 90 000 candidat·es). En réalité, l’application est bien davantage un outil de gestion de la pénurie des places à l’université après des années de sous-investissement de l’État. L’administration est pourtant arrivée à ses fins, l’accès à la filière de son choix à l’université n’étant plus de droit mais soumis à des attendus. Les critères de sélection, opaques, nourrissent en outre les sentiments d’injustice ou d’arbitraire.

En définitive, le lycée général est en train de se réorganiser autour de l’orientation qui devient un enjeu central. Cette injonction est particulièrement visible dans la nouvelle épreuve du « Grand oral » au cours de laquelle les élèves doivent articuler choix des sujets de spécialité, orientation dans le supérieur et secteur professionnel visé.

Les conséquences du contrôle continu
Suite au désastre des deux sessions des E3C, Blanquer a décidé le passage au contrôle continu intégral pour les matières du tronc commun. Nous sommes désormais chargé·es de mettre à nos élèves des notes comptant pour le bac et Parcoursup, et exposé·es, par conséquent, à une pression constante à l’évaluation. Nous devenons de plus en plus des exécutant·es et notre liberté pédagogique est rognée.
C’est la logique même du contrôle continu qui a conduit à la mise en place du PLE imposé à la rentrée par le ministère. Puisque les élèves sont mis·es en concurrence, il devient nécessaire de standardiser les évaluations afin que toutes et tous s’inscrivent dans la course à la performance et la compétition scolaire, dans la pure rationalité néolibérale.

Le lycée professionnel n’est pas épargné

Entre 2008 et 2022, l’enseignement professionnel est passé de 1585 heures à 856 heures sur l’ensemble de la scolarité. Depuis l’arrivée de Blanquer, ce sont 300 heures qui ont été perdues.
Pour l’enseignement général (maths, lettres histoire) nous sommes passés de 845 heures avant 2008, à 687 heures puis à 533 heures en 2018. Aujourd’hui, un·e élève de CAP n’a plus droit qu’à 45 minutes de français par semaine. Dans le même temps, le BEP a été supprimé en catimini. Il s’agissait pourtant du 1er diplôme reconnu par les conventions collectives.

Les élèves du lycée professionnel sont une variable d’ajustement budgétaire, alors qu’il s’agit du public scolarisé regroupant les plus grosses difficultés sociales. Mais cela ne s’arrête pas là. En français, avec le « lire, dire, écrire », le métier a pris le pas sur des connaissances générales et l’ouverture d’esprit. Les programmes ont été rénovés en urgence, se basant uniquement sur les besoins du monde de l’entreprise, avec comme conséquence de réduire au minimum la culture générale.

Nos missions d’enseignant·es se sont démultipliées et ne permettent plus un suivi des élèves pertinent : nous pratiquons la bivalence (au minimum), travaillons l’insertion professionnelle et l’orientation, faisons de la co-intervention, de l’accompagnement personnalisé, de l’aide à la recherche de stage, partenariat, certification PIX, adaptation à différents logiciels sans formation, identité professionnelle, seconde indifférenciée, etc. Sans compter les multiples missions qui sont demandées dans les établissements.

Les collègues de lycée professionnel sont épuisé·es des injonctions multiples et du mépris subi depuis de nombreuses années, amplifié encore ces 5 dernières années.

Avec Blanquer : toujours plus de précarité

Le recours à l’école primaire à des enseignant-e-s contractuel.le.s a explosé depuis 2017. Pendant la crise du COVID, au lieu de recruter massivement parmi les listes complémentaires, le ministre a choisi pole emploi. Résultat, une crise du non remplacement des enseignant-e-s sans précédent. Aujourd’hui, les équipes sont à bout, les directeurs et directrices d’écoles, épuisé.e.s par des conditions de travail inadmissibles, s’effondrent les un.e.s après les autres.

Ce ne sont évidemment pas les seul.e.s, d’autres précaires sont soumis.e.s à rude épreuve.

Les Assistant.e.s d’Education, en première ligne face à la pandémie, ont dénoncé  leurs conditions de travail à maintes reprises : bas salaires, temps de service annualisé et souvent incomplet, absence de reconnaissance des compétences professionnelles des AED et absence de droits protecteurs sont inacceptables !

Les Accompagnant.e.s d’Elèves en Situation de Handicap dont les conditions de travail ont été dégradées par la mise en place des PIALS (Pôle inclusif d’accompagnement localisé) à la rentrée 2019 en renforçant la pression exercée sur les AESH : multiplication de leurs lieux de travail, mutualisation accrue des élèves en situation de handicap, renforcement de la hiérarchisation, sans amélioration salariale ou statutaire.

Loin de chercher a endiguer la prolifération de ces contrats précaires, JMB a même créé une nouvelle catégorie : les enseignant.e.s contractuel.le.s alternant.e.s !

Non content d’avoir repoussé le concours du CAPES d’une année, l’administration propose pour le ou la futur.e enseignant.e, un contrat à tiers temps, pendant l’année de M2 (payé 722 € net) alors qu’il ou elle doit préparer son concours et son mémoire. Encore un moyen pour le ministre de s’offrir de la main d’œuvre flexible à moindre coût.

Lire le tract de Sud Education

La casse du service public.

Grand projet de l’ère Macron, la destruction systématique du service publique à été l’occupation principale, il a utilisé pour cela les « réformes » précédemment évoquées, mais aussi une communication anti enseignant tous azimuts. Ceux-ci étant systématiquement décriés dans les paroles du ministre « décrocheurs »

La loi de la transformation de la fonction publique entraine la quasi-disparition des CAP (commission administrative paritaire) qui avant 2019, devaient être consultées sur les mouvements des personnels, leur avancement, les nominations de TZR. Ces CAPA (et les groupes de travail adossés) bien qu’étant uniquement d’avis consultatif (l’avis final revenant toujours à la rectrice/au recteur) avaient le mérite d’obliger l’administration à rendre des comptes, et ce, très régulièrement, donnant aussi la possibilité aux organisations syndicales d’alerter/donner leur avis sur la politique rectorale en matière d’éducation.

Elles ne traitent plus désormais que des questions des recours PPCR, de conseils disciplinaires et de licenciements.

Les compétences relatives à la mobilité, aux avancements et aux promotions leur sont retirées. Les commissions de recours disparaissent.

Depuis 2019, il n’y a plus de groupes de travail sur les mutations, plus de CAPA sur les mutations, de même depuis 2020 pour l’avancement.

Le résultat a été sans surprise, les campagnes de mutation 2020 et 2021 ont été catastrophiques, certains collègues étant même mutés sur des postes qu’ils n’avaient pas demandé du tout cette année.

Quant au mouvement 2022, il s’annonce déjà complètement sclérosé. Dans le premier degré, le taux de satisfaction des demandes de mutation interdépartementales a été divisé par deux en 10 ans. En 2022, seulement une demande sur cinq a été satisfaite.

Cette liste n’est malheureusement pas exhaustive, il faut ajouter l’évaluation des établissements, l’obligation de la 2ème HSA dans le second degré, la dégradation salariale : aucune revalorisation du point d’indice pendant tout le quinquennat d’E. Macron.

Quant aux maigres avancées, CDIsation des AESH et récemment des AED, c’est une réponse insuffisante car avec un CDI au SMIC (1 269 euros nets pour un temps plein de 41 h par semaine pour les AED), le gouvernement maintient ces catégories dans la pauvreté.

 

Lors du prochain quinquennat, vous ne pourrez plus dire : on ne savait pas, on ne s’en doutait pas !

 

Pour aller plus loin : http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/BlanquerLebilan2022.aspx

 

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.